Mon quart commence vers une heure et demie du matin, juste quand un grain s'annonce. Je sors la tête et redescends illico enfiler mon ciré et mes bottes, et puis un harnais, on ne sait jamais. En fait, il y a bien un petit coup de vent et un bonne averse, mais ça ne dure pas longtemps. Il y a du plancton phosphorescent, qui fait scintiller le sillage du bateau.

Je barre jusque vers les Saintes, puis Jacky prend la barre et je fais la navigation. Entre les îles, il n'y a pas d'amers, donc on se contente de faire un point GPS toutes les heures, c'est dire que le navigateur n'a pas grand chose à faire. La Guadeloupe a un phare, et la lune étant levée, on distingue les Saintes, donc je peux m'occuper à faire des relèvements. La baie des Saintes est face à la Guadeloupe, donc il faut remonter le vent pour l'atteindre, ce qui nous prendra 2 ou 3 heures. Je suis le seul à être déjà venu ici, ce qui est un atout lorsqu'on arrive de nuit dans un mouillage. D'ailleurs, la carte annonce un feu de guidage qui n'existe pas ou n'est pas assez puissant pour être distingué au milieu des lumières du village des Saintes. Nous mouillons après avoir slalomé entre les voiliers au mouillage, difficile à voir de nuit (et on se dit que le feu de mouillage n'est pas là que pour faire joli, mais quasiment personne ne l'allume). L'aube arrive juste à ce moment.
 
 

Nous dormons un peu, puis on va visiter l'île: la plage de Pont-Pierre, le centre UCPA, le village. La marchande de sorbets coco "maison" n'a pas bougé depuis mon premier séjour il y a 4 ans.
 

Samedi 8

Nous partons en direction de Marie-Galante, en passant devant le Pain de Sucre, puis entre Terre de Haut et Terre de Bas (les deux îles principales des Saintes). Malheureusement, une heure plus tard, l'alizé tombe. Il n'y a plus qu'un très léger souffle qui vient du Nord ou de l'Ouest. Nous faisons du sur-place pendant toute la journée, puis une légère brise d'Ouest nous permet de faire à nouveau route à une vitesse d'environ 1 noeud. D'habitude, il suffit qu'Estelle décide d'aller nager derrière le bateau pour que le vent se lève et rende l'opération impossible (donc on lui propose de prendre un bain chaque fois qu'on manque de vent), mais cette fois-ci, cela ne marche pas...

Dimanche 9

Lorsque je prends mon quart vers 1h, le vent et un peu plus fort, et nous progressons à 2 noeuds. La mer est calme, et au bout des 2h prévues, je ne réveille pas le suivant pour me relayer à la barre : il y a un certain mystère à être seul sur un bateau la nuit. Le bateau est suffisamment stable pour que je puisse bloquer la barre le temps d'aller faire le point au GPS.

Je me couche vers 4h. Je suis réveillé par le bruit de la chaîne d'ancre, signe que nous somme en train d'arriver au mouillage. Le soleil se lève, et nous sommes à l'Anse Canot, au nord de Marie-Galante. Nous prenons le petit déjeuner. Les autres retournent dormir pendant que je nage jusqu'à la plage. Les fonds descendent doucement, nous avons donc mouillé assez loin, cela fait un bon exercice.

Nous repartons en direction de Saint-François. L'eau est vraiment turquoise, on a l'impression de naviguer sur une piscine. Le vent est toujours faible, mais nous sommes au largue, voici une occasion de sortir le spi... L'opération se passe sans problème, mais prend tout de même une demie-heure (parce que nous ne sommes que 4, et le barreur ne peut pas vraiment aider). Le spi n'est pas très beau, il est un peu rapiécé, mais il nous fait avancer malgré un vend de plus en plus faible.

Il y a de l'orage sur la Guadeloupe, et une rafale survient brusquement. Nous amenons le spi en catastrophe. Nous sommes maintenant devant Saint-François, mais le vent est faible, et mal orienté, d'autant que le chenal d'accès est très étroit, et passe entre deux barrières de corail. Deux catas se dirigent vers la passe. Il y a de forte chances que ce soient les catas de l'UCPA. On les contacte par radio, et l'un d'eux vient nous remorquer jusqu'à l'appontement.

Nous visitons l'intérieur des catas, c'est très confortable, mais, d'après l'avis général, il faut qu'il y ait beaucoup de vent pour les faire avancer, et ils ne remontent pas bien au près.

Nous allons au restaurant avec les équipages des deux catas. Un de leurs équipiers, parti pour une promenade digestive, est victime d'une embuscade et se fait voler ses papiers.

Lundi 10

Les bandits de la veille, après leur méfait, ont volé une voiture et ont eu un accident, ce qui fait que notre collègue va pouvoir récupérer ses papiers.

Il faut rendre le génois que nous avions pris à Pacilia. Celui-ci ne veut pas descendre, il va falloir monter en tête de mât. Je suis volontaire. On me hisse à l'aide d'une drisse de spi crochetée sur la chaise de calfat (sorte de siège en toile). Une deuxième drisse, passée sous les aisselles, sert de sécurité. En haut du mât (15 à 20m), on a une belle vue sur le port et sur le lagon, et le bateau, en dessous, semble tout petit.

[Passage un peu technique] On me monte une écoute de spi, que j'attache à l'anneau qui coulisse sur l'étai creux et sert à hisser le génois. En tirant d'en bas, on peut le décoincer. On m'avait monté l'écoute de spi à l'aide de la drisse de grand voile, mais j'ai laissé partir celle-ci en tête de mât. Je monte un peu plus haut pour la chercher, et je m'aperçois que la drisse de spi qu'on a utilisée pour me monter passe dans une manille et non dans une poulie, et cela a déchiré l'enveloppe de la drisse. Quand je commence à redescendre, cette enveloppe ne suit pas le mouvement et commence à bourrer à l'intérieur du mât. J'utilise la drisse de sécurité pour redescendre (en prenant la drisse de génois comme sécurité), après avoir retiré du mât la partie de l'enveloppe de l'autre drisse (désormais inutilisable) qui s'y était accumulée. Ouf, quelle aventure pour ma première ascension de mât !

Tout cela a pris du temps, nous finissons le nettoyage du bateau en vitesse, et nous allons attendre le bus, qui nous amène à l'aéroport.

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